Nicotines : La pagaille – 5

16 octobre 2013

Nicotines : La pagaille – 5

Septembre 2010

 

     Dans un hôtel. Je suis allongé sur une serviette. Ma main caresse l’eau d’une piscine. Le soleil a déjà commencé à consumer ma chair.

   Je tente de vider mon esprit : penser sans cesse à l’idée de devoir vider mon esprit. L’idée ne quitte pas ma tête, en boucle. Je la reformule à mon aise. Je la redis sans fatigue : devoir vider la tête. Difficultés à évacuer toutes les pensées. Je respire. Je redis le segment. Je ne le saisis plus, aucune compréhension de la phrase : devoir vider la tête. Cacophonie. Suite lexicale absurde. Aucun décodage mental. Le verbe modal bloquerait l’action. Je redis la phrase : vider la tête. Même chahut. Je contourne l’impossibilité. Il faudrait penser alors à des choses agréables. Je puise dans mes sources : un souvenir plaisant, un projet excitant… Le soleil entrave l’opération. Des brûlures sur le visage. Je me lève. Je jette mon corps dans la piscine.

   Le soleil couvre encore toute la surface où j’existe. Je cherche un peu d’ombre. Sous un arbre, je place mon corps brûlant. Je repense au devoir inaccompli. Je respire longuement. Je ferme les yeux. Noir. Un petit mal à la tête qui tente de se vider. Mon téléphone Sonne. C’est Y. Je ne décroche pas. Une vibration : «  J’ai besoin de toi. Tu me manque ».  Mon corps quitte le repos. Je relis la phrase. Toujours la même sensation. Le mal de tête augmente. Y. aurait besoin de moi. Je lui manquerais. Je ne comprends pas la reformulation. Je rajoute une absurdité : Y. aime une autre personne. Y. a besoin de moi. Je manque à Y. Cela me coupe le souffle. Je jette le téléphone loin de ma vue. L’absurdité ne quitte pas mon esprit. Impossible de la chasser.

   Je reformule : Je manque à Y qui aime une autre personne. J’ai connu le manque de Y. Je le connaitrais peut-être encore là. Inadéquation. Le manque d’Y. a été vécu dans l’absence de toute autre personne. Lui, il vivrait mon manque en aimant une autre personne. Cela n’est pas équitable. Aucune justice. Deux perspectives : Y. devrait vivre l’exclusivité de mon manque, dans une totale solitude. Ou bien, Y. devrait vivre mon manque sans aucune satisfaction.

   Je reprends mon téléphone : «  Salut. Tu vas bien ? ». J’envoie le message à l’étranger.

@Rawand Ben Mansour
@Rawand Ben Mansour
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